Les Espaces de l'expérimentation

Les Espaces de l'expérimentation - 2011

Dans la politique musicale de Pro Helvetia, l’innovation et l’expérimentation ne jouent aucun rôle jusqu’au milieu des années 1970. Avant cette date, le but exclusif des projets réalisés ou subventionnés par la Fondation est de faire connaître les meilleurs compositeurs suisses au public étranger. Un changement de politique s’amorce au moment où la Fondation prend plus résolument la voie de l’encouragement de la création et de l’art contemporain.

Dans le domaine musical, les cycles de manifestations Espaces, organisés dès 1976 à Paris, offrent un cadre approprié à la découverte de nouvelles formes d’expression. Conçus comme une vitrine de la création contemporaine, les Espaces favorisent l’innovation musicale et l’abandon des formes les plus traditionnelles de présence culturelle.

Ainsi, les Espaces offrent le cadre de la première audition à l’étranger de l’œuvre Lieu-dit : Derborence du compositeur Pierre Mariétan. Mariétan, né à Monthey en 1935, est l’auteur de nombreuses œuvres instrumentales et un précurseur dans le domaine de la valorisation du quotidien sonore. En 1966 à Paris, il figure parmi les fondateurs du Groupe d’études et de réalisations musicales. Dans l’esprit de mai 1968, celui-ci élabore un programme d’action musicale basé sur la mise en valeur des motivations de chaque musicien.

Lieu-dit : Derborence est une œuvre associant la lecture intégrale du roman de Ramuz et le jeu d’un groupe instrumental créant spontanément une musique à partir des descriptifs sonores donnés par le récit. Les bruits de la montagne, de la nature et de la vie paysanne sont transformés en musique, et la projection d’images du paysage valaisan complète la dramaturgie sonore.

A Paris, Lieu-dit : Derborence est créé du 22 au 25 février 1979 aux Concerts Manifestes devant un public qui comprend de nombreux étudiants et musiciens professionnels. Dans son compte-rendu, le quotidien Le Monde décrit l’ambiance particulière créée par cette œuvre : « On écoute le récit comme au cours d’une veillée en montagne : par moments, des sons de la nature, doux ou lointains, enregistrés ; quelques instruments […] en fonds sonore abstrait, en ponctuations monotones dans le silence, ou improvisant sur de brèves formules des schémas rythmiques, harmoniques ou mélodiques qui passent de l’un à l’autre, se modifiant insensiblement, un peu à la manière de la ‘minimal music’ ; mais sans jamais saturer l’espace sonore. » 

En 1992, Pierre Mariétan collabore une nouvelle fois aux initiatives du rayonnement musical. Dans le pavillon suisse de l’exposition universelle de Séville, il installe l’espace sonore Paysmusique, fondé sur 96 voix enregistrées dans les quatre langues nationales de la Suisse. Traités comme des instruments authentiques et uniques, ces voix forment un orchestre et créent une sorte de musique des parlers. Pour le compositeur, la parole n’est en revanche pas donnée à tout le monde : les danses silencieuses des immigrés s’intègrent à Paysmusique. (tk)

Bibliographie
Mariétan, Pierre : Dit chemin faisant : conversations, fragments-sources, géophonies, Paris, Klincksieck 2008
Mariétan, Pierre : « Lieu-dit : Derborence », in : Le Trou. Revue d’art, 1997, pp. 111-125

"Musique-Paysage"

Les Espaces de l'expérimentation - 1977

Pierre Mariétan essaie de transposer l’environnement acoustique de l’homme en musique. Catalogue Musique-Paysage diffusé par Pro Helvetia lors des Espaces de 1979 à Paris.

Bibliothèque nationale
 

Enregistrement de "Paysmusique"

Les Espaces de l'expérimentation - 1992

L’espace sonore Paysmusique est fondé sur 96 voix enregistrées dans les quatre langues nationales de la Suisse. Il fait partie du pavillon suisse à l'exposition universelle de Séville.

© Pierre Mariétan / SUISA